L'art Mouvant Intertactile


Manifeste pour une esthétique du contact réel

L'art d'aujourd'hui est glacial, souvent sinistre, triste reflet de notre époque désanchantée, chacun peut s'en rendre compte. Certains en profitent pour tout rejeter en bloc et mme glisser des propos racistes. Du coup la critique devient difficile. Tentons n�anmoins une explication : on commence à se fatiguer de l'influence r�frig�rante de quelques �l�ments devenus incontournables : la sacralisation, le conceptualisation, l'expression "sado-maso", la soumission à la machinerie actuelle (ordinateurs, vid�o, etc.).

L'art jadis sacralis� par son contact avec le religieux demeure sacr� par son contact avec l'argent : le sacr� actuellement se mesure au nombre de dollars d�bours�s, les oeuvres ne peuvent donc pas �tre touch�es.

L'art dit conceptuel des ann�es soixante m�me s'il rel�ve d�j� du pass�, marque encore la production contemporaine comme un grand traumatisme ayant mis en cause les �l�ments essentiels de notre discipline.

L'art qui se r�sume à la simple expression du malaise, nous provoque et nous fait peur, m�me si l'Art Brut nous a beaucoup touch� et fait r�ver.

Quant aux machines, m�me si l'on s'en m�fie parfois encore, on ne peut plus s'en passer et elles nous fascineront toujours quelque peu. Mais ne peut-on d�couvrir des modes d'emplois plus concrets ?

D�non�ons donc :

  • le caractère envahissant et exclusif de l'art virtuel
  • le caractère intouchable des oeuvres d'art
  • le caractère solennel de la pratique du spectateur
  • le caractère souvent ennuyeux, maladif et/ou agressif de l'art actuel
  • la passivit� du spectateur, instrumentalis� par des financiers mondialistes
  • le d�clin de l'art fran�ais
  • et la morosit� g�n�rale

Comment donc se d�tacher des ces pesanteurs ?

En d�truisant, comme le sugg�raient les Futuristes et Dada ?

Non, au contraire en mariant les �l�ments accumul�s au cours des si�cles, en y ajoutant les nouveaux et en r�pondant aux grandes vagues de frustration qui surgissent pour r�clamer un art plus populaire, plus ludique, plus concret.

Puis en se faisant chasseur :

L'art, monstre capricieux, suit un chemin apparemment inattendu, mais finalement pr�visible. Les discours des historiens de l'art t�moignent de cette coh�rence dans le d�veloppement de cette b�te curieuse, m�me si leurs discours pratiquent beaucoup l'illusion r�trospective. Suivons donc l'animal.

On remarque un certain nombre d'habitudes qui pourraient faire dire que la b�te est bien r�active, parfois brutale, souvent caract�rielle. Elle pratique le t�te à queue, op�re des mues qui font craindre pour sa vie, se compla�t, avec un masochisme �vident, à des pens�es morbides, à des pratiques financi�res destructrices de talents et à des faux semblants et des escroqueries impardonnables, mais elle rebondit toujours et comme l'hydre s'�broue, prolif�re et se r�tablit, plus g�n�reuse et plus forte.

Laissons-la donc bousculer les habitudes du moment, c'est ainsi qu'elle progresse le mieux et vive son bon plaisir. Elle s'est trop longtemps nourrie de virtuel laissons la se saisir du concret. Un concret donn� non seulement à voir mais aussi à toucher, à caresser, à t�ter, à peloter, à chatouiller, à culbuter, à fr�ler, à exp�rimenter, à manipuler, à bidouiller, à d�faire, à refaire, à r�organiser.

L'art hyper-concret sera joyeux et ludique. Le tactile produit un r�veil imm�diat des sens et donc pousse à l'initiative, à l'action, ce qui joue aussi sur les consciences. L'art doit impliquer le spectateur au point d'en faire un partenaire non pas manipul� mais actif. Et Il doit le faire non pas au figur� mais au propre.


Quelques �l�ments pour cette rèvolution


Premier �l�ment, le contact direct : autoriser le spectateur à toucher et à "travailler" les oeuvres. Par ce biais, mettre en �vidence le caractère ludique de l'art, et retrouver m�me des jeux enfantins, ce qui permettra au spectateur de s'approprier les fondements de la plastique, les accords de couleur, les rapports de valeurs, la cr�ation de forme, et le fonctionnement de la cr�ation, avec ses r�gles d'organisation, de d�sorganisation. En somme permettre à chacun d'utiliser son pouvoir d'action, de libert�, de r�flexion et de compr�hension face au devoir de cr�ation, sans oublier l'�motion, et enfin lui donner les clefs qui lui permettent de se cr�er lui-m�me des oeuvres et donc constituer son mus�e personnel.

Second �l�ment (qui n'est pas sans rapport avec ce premier contact) : favoriser l'initiation du spectateur au m�lange des disciplines et donc des associations multiples :

  • association po�sie - art-plastique
  • association sculpture - peinture
  • association m�canique - sculpture peinte
  • association art-plastique- industrie
  • etc.

Troisi�me �l�ment : le recours aux r�gles

Tout jeu repose sur un ensemble de r�gles qui en font tout l'int�r�t. Les oeuvres pr�sent�es seront donc faites, non seulement pour qu'on puisse les manipuler, manuellement de pr�f�rence, mais aussi pour que l'on s'interroge sur leur fonctionnement et surtout sur les contraintes qui sont à l'oeuvre dans ce fonctionnement : contraintes spatiales, s�mantiques, m�caniques, esthétiques, physiques, chimiques, optiques, litt�raires, etc.

En somme ces recherches, loin d'�tre univoques, se d�multiplieront suivant les trois �l�ments que nous venons d'�num�rer, �l�ments qui eux-m�me contiennent des param�tres multiples. Il s'agit donc d'un potentiel �norme qui peut �tre exploit� par tout artiste que cela int�resse et qui pourra adh�rer au groupe.


EXEMPLES DE TRAVAUX HYPER-CONCRETS


Les id�es contenues dans le manifeste pour une esthétique du contact réel, permettent de r�aliser des travaux divers.

Je me suis employ�e de mon c�t� à d�terminer un certain nombre de "programmes" que j'ai r�alis�s. Il va de soi que cela n'�puise en rien le potentiel de l'art hyper-concret.

L'un des premiers moyens de mettre le spectateur au travail consiste à cr�er des �l�ments permutables, de formes diverses, qu'il va changer de place. Mais on peut aussi, sur de petites toiles munies d'aimants, r�utiliser des fragments emprunt�s aux peintres du pass�, ou encore les marier avec des peintres contemporains, ou cr�er des hybrides m�langeant deux styles comme un figuratif devenus abstrait et vice versa.

Quelques autres exemples de travaux hyper-concrets, populaires et mobiles :

  • Le morceau de fourrure d�voilant d�s qu'on le caresse un fond inattendu de couleurs vives qui s'organisent suivant le d�sir du spectateur
  • le tableau constitu� de cha�nes peintes que l'on peut d�placer
  • le tableau clout� sur lequel on peut placer boutons, bouchons, bobines, bijoux, �l�ments de quincaillerie, de papeterie, ustensiles de cuisine ou pelotes de laine multicolores, objets �rotiques, etc.
  • le tiroir vertical et transparent dans lequel on range tous les petits jouets qui tra�nent ou tout ce que l'on accumule dans nos tiroirs, en y ajoutant quelques vieilles cartes postales...
  • le r�sultat de tractions diverses et �tirements de diverses surfaces qui en se superposant cr�ent des tableaux
  • l'ensemble d'�l�ments translucides à d�placer sur un fond color�;
  • l'ensemble de lettres à ordonner suivant les po�sies de G. Perec (ULCERATIONS) ou Rail
  • l'ensemble des textes comportant le plus grand nombre de lettres identiques
  • les textes comportant des mots permutables (aphorismes)
  • les alphabets plastiques peints sur des cubes ou lettres g�antes dot�es d'aimants qui permettent une transcription color�e de n'importe quel texte
  • l'ensemble de pochoirs pour adultes à organiser dans une grande surface
  • l'ensemble d'�l�ments accroch�s à des fils de fer et que l'on peut donc d�placer
  • la surface aimant�e sur laquelle on peut poser des �l�ments en fer ou �l�ments aimant�s qui peuvent se poser sur une plaque en m�tal ... etc.
  • la quadrature du cercle, r�sulta d'une compression apr�s �chauffement
  • la suspension de diverses lattes peintes que l'on peut d�placer
  • le morcellement d'une reproduction d'art abstrait à recomposer sur une surface plus grande peinte en noir;
  • biblioth�que de livres identiques dont la tranche est color�e;
  • tableaux comportant des fermetures �clair s'ouvrant sur des fonds color�s
  • tableaux avec �l�ments qui pivotent autour d'un axe...

Petit programme de travaux utilisant le poil


  1. Utilisation de la fourrure comme il est dit dans le manifeste : peinte de fa�on telle qu'en la caressant on la transforme et plac�e sur du velcro de fa�on qu'on puisse la plisser, lui donner la forme que l'on veut.
  2. Accumulation de fourrures diverses dont certaines noires pour structurer dans un cadre à ouverture frontale;
  3. Pelotes de laine à accrocher sur un tableau clout�;
  4. Peluche accumul�es dans une vitrine �troite en verre;
  5. Perruques accroch�es à des portes manteaux formant un ensemble carr�;
  6. Bobines de laine tournant comme les rouleaux vus l'ann�e derni�re au March� de la Po�sie;
  7. Brosses à cheveux accumul�es dans un cadre à ouverture frontale ou accroch�es à des fils de fer;
  8. Brosses à dent tenues par des fils de fer (et donc mobiles), eux m�me accroch�s à une planche en bois;
  9. vieux pinceaux accumul�s dans diff�rentes boites formant un ensemble rectangulaire
  10. Maillots de bain de diff�rentes couleurs suspendus à un s�che-linge dans un grand cadre dor�.

Lettres et plastique hyper-concr�te


De fa�on g�n�rale les oeuvres hyper-concr�tes visent à permettre une manipulation de la part du spectateur. Elles sont �labor�es en fonction de contraintes vari�es, et elles tendent à briser les fronti�res entre les disciplines.

Il s'agir donc de trouver le plus grand nombre de structures qui permettent cette mobilit�, cette interface et ces contraintes dans le but de cr�er une organisation plastique originale.

Voici quelques directions pour de possibles productions :

  • Les po�mes qui s'inscrivent facilement dans cette recherche sont naturellement ceux qui utilisent des vers permutables et/ou un nombre �gal de lettres.
    ex. Ulc�rations de Georges, ou Rail, ou Mille milliard de po�mes de Queneau.
  • Les alexandrin greff�s de M. Benabou sont aussi exploitables si l'on peut permuter tous les morceaux de vers ou au moins le d�but ou la fin.
  • les aphorismes de Benabou seraient exploitables dans la mesure o� ils constitueraient un ensemble dont on pourrait permuter certains mots;
  • des po�mes comportant des parties permutables sont donc souhaitables.

Demande de textes à r�aliser :

  • Des textes courts qui �puisent compl�tement les mots sortis d'un mot donn�
  • mots qui se divisent et s'accrochent à d'autres mots plac�s sur des plaques diff�rentes, avec permutations possibles
  • mots crois�s tels que certains mots comportent une partie commune et donc permutable
  • po�mes courts comportant des mots ou parties de mots permutables
  • textes ou po�mes qui permettent des permutations de mots
  • textes qui ne contient que des mots constitu�s de plusieurs mots
  • textes serr�(avec un m�me nombre de lettre par ligne) comportant une ou plusieurs lettres se r�p�tant de fa�on rigoureuse de fa�on à former un dessin
  • texte serr� comportant le maximum de lettres semblables donc permutables donc (si elles sont de couleur diff�rentes) permettant une mutation plastique. (les Revenentes transform�es en texte de douze lettres par ligne.

ET TOUT TEXTE COMPRENANT UNE ORGANISATION PERMUTABLE